Monday, April 23, 2007

And now elect Mme La Présidente !


LIBÉRATION
Présidentielle. Les leçons du scrutin. Editorial
Le choix de la clarté
Par Laurent JOFFRIN
QUOTIDIEN : lundi 23 avril 2007
La France a sauvé la gauche. En dépit d'une campagne incertaine et des poignards venus de son propre camp, Ségolène Royal approche les scores de François mitterrand au premier tour, ce qui lui laisse tous les espoirs au second, dans cette élection où on la disait mal placée, malhabile, maladroite. Vote utile ? Pas seulement. Après tout, beaucoup pensaient que le vrai vote utile s'appelait François Bayrou. Les Français ont jugé, d'abord, qu'on ne pouvait pas effacer de notre mémoire tant de luttes populaires, tant de conquêtes chèrement obtenues, qu'on ne pouvait pas rayer de l'avenir l'ancienne espérance d'un monde plus juste. Royal qualifiée sans conteste, le rêve vit toujours.
La France a aussi choisi la clarté. Une droite franche affrontera au second tour une gauche qui doit faire le pari du renouveau. Ce duel salutaire est celui de toutes les démocraties modernes. La France a inventé la configuration droite-gauche pendant la Révolution. Fidèle à elle-même, elle a jugé que l'outil pouvait encore servir, dans un monde où la question sociale et celle de la liberté individuelle face aux pouvoirs restent les deux grands marqueurs de la civilisation des droits de l'homme. La vaste mobilisation civique survenue dans une nation qu'on disait désabusée, fatiguée de la classe politique, ajoute encore à l'aveuglante clarté de la volonté populaire. Au-delà du souvenir douloureux de 2002, les Français ont voulu que s'ouvrent devant eux deux chemins, nettement dessinés sur la carte de l'Histoire. Ce choix n'enlève rien au
mérite des autres candidats, hommes et femmes de talent éliminés dans une compétition loyale. Ils ont exprimé des sensibilités fortes. Ils pèseront sur le choix ultime. Encore faut-il que ce choix reste clair. On le sait, l'élection de Sarkozy serait une rupture. Faisant preuve d'une roublardise certaine ­ n'est-il pas aussi l'homme du passif ? ­, l'intéressé n'en a pas fait mystère. Pour la première fois, une droite qui dit son nom se présente à visage découvert devant l'électeur. Autorité de l'Etat, fermeté policière, fermeture migratoire, ouverture marchande, repli identitaire : le programme est affiché. Tant mieux, au fond. Nous savons à quoi nous en tenir. La France veut-elle de cette droite-là au pouvoir ? La question est limpide. A condition que les masques restent au vestiaire. Lesté d'une bonne part des électeurs de Le Pen, le candidat de l'UMP va maintenant chercher à rassurer. A son projet néoconservateur, Nicolas Sarkozy va, à coup sûr, accrocher quelques guirlandes progressistes, quelques fanfreluches sociales. Laissez venir à moi les petits centristes. Dans la campagne qui commence, il faudra se souvenir de la campagne qui s'est achevée samedi. Dans son discours inaugural ­ fort bon au demeurant ­, Sarkozy avait évoqué les mânes de Victor Hugo et de la république valeureuse. Puis, au fil des meetings et des incidents, il a droitisé son discours. Il avait débuté avec Jaurès. Il a fini avec Le Pen. Ne l'oublions pas. Pour autant, la gauche ne peut pas se contenter de ces utiles rappels. Sarkozy est très à droite, d'accord. Mais cette élection ne saurait se changer trivialement en référendum sur un homme, aussi symbolique soit-il. A un projet négatif, il faut opposer un projet positif. La madone des meetings ne peut pas se contenter de pointer du doigt le méchant Sarkozy. Elle doit défendre des mesures, des propositions, des décisions. Pas celles de la vieille gauche, épuisée par la gestion et une certaine forme de cynisme. Il faut réduire ­ vraiment cette fois ­ la fracture sociale, réconcilier une France fragmentée, mettre le service public au service du public, relancer l'entreprise pour relancer l'embauche, rassurer les faibles et intimider les forts, bref, au-delà d'une posture démocratique et d'une sensibilité à l'opinion, avoir une vision. Le combat s'engage. Un combat Royal.
© Libération

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